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La liberté d’expression en France et aux États-Unis

Il y a quelques mois, une professeur de Hamline U, E.Prater, a été licenciée après avoir montré des peintures du prophète Mahomet à ses étudiants. Cet incident rappelle des cas un peu similaires en France et souligne l’inévitable conflit entre la liberté d’expression et la liberté de religion. Ce sont deux droits très importants, inscrits dans les constitutions américaine et française, mais leur traitement est assez  différent selon le pays. La professeure Prater aurait-elle été licenciée si elle avait été employée en France ?

L’incident de Hamline University

En octobre 2022, Ericka Lopez Prater, une professeur adjointe en histoire de l’art a été licenciée à Hamline University, dans le Minnesota, pour avoir montré des peintures médiévales du prophète Mahomet. Après qu’une étudiante de la professeure s’est plainte, l’université a décidé de mettre fin au contrat de celle-ci. Même si les peintures sont visibles dans des musées comme le Louvre et le MET, l’université a décrit l’action de Prater comme “irrespectueuse et islamophobe”. La professeure, de son côté, a déclaré qu’elle avait montré les peintures pour montrer qu’il n’existe pas “une culture islamique monothétique”. Elle avait aussi prévenu ses étudiants bien à l’avance de ce qu’ils allaient voir, mais ça n’a pas été assez pour empêcher son licenciement. Cette décision a choqué le monde académique et a été perçue comme une attaque contre la liberté d’expression.

Les représentations du prophète en France, un droit intouchable!

La bataille entre la liberté d’expression et la liberté de religion existe aussi en France. En janvier 2015 à Paris, le bureau de Charlie Hebdo a été attaqué après que le magazine a publié un dessin du prophète Mahomet. La fusillade a fait 12 morts, des blessés, et a provoqué de nombreuses manifestations. Beaucoup de Français ont adopté le hashtag #JeSuisCharlie pour montrer leur soutien. Quelques années plus tard, en octobre 2020, toujours en France, le professeur de lycée Samuel Paty a été assassiné pour une raison similaire, dans un acte de terrorisme. Une année après sa mort, les experts de l’ONU ont rendu hommage à Paty. Karima Bennoune, Rapporteuse spéciale des Nations Unies, a déclaré : « Son assassinat était une attaque contre les droits culturels, la liberté d’expression, la liberté académique et la liberté de religion ou de conviction, ainsi que son propre droit à la vie ». En France, Paty est désormais considéré comme un martyr. Comme l’attentat de Charlie Hebdo, l’assassinat de Samuel Paty est une attaque contre la liberté d’expression.

Et si Hamline U se trouvait en France?

Étant donné ce fort soutien en faveur de la liberté d’expression, Pr. Prater n’aurait probablement jamais été licenciée si l’incident avait eu lieu en France. En effet, c’est un cas où la liberté d’expression entre en conflit avec la liberté de religion, où les représentations du prophète sont proscrites par certaines interprétations du Coran, mais ces interprétations sont problématiques parce qu’elles exigeraient certaines limitations de la liberté d’expression, un droit inaliénable, inscrit au coeur de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Chacun peut avoir ses croyances, mais la liberté d’expression implique qu’on peut s’exprimer sur tout. Au nom de la liberté d’expression, les professeurs ont le droit de montrer ce qu’ils veulent, tant qu’il s’agit d’une raison éducative, donc il y a conflit entre les deux droits. Aux Etats-Unis, où on dit “Une nation sous la protection de Dieu” dans le serment d’allégeance, la religion peut exister dans l’espace public ; on parle de sécularisme. En France, la laïcité est inscrite dans la loi et stipule que les citoyens doivent garder leur religion dans des espaces privés. L’État français interdit par exemple le port de symboles et de vêtements religieux dans les écoles, ce qui impacte en particulier les femmes musulmanes qui veulent, ou doivent, porter le voile. Pour cette raison, même si la liberté de religion est officiellement protégée en France, certaines critiques de la laïcité se font entendre. Dans le cas de la professeure Prater à Hamline University, c’est bien le droit de religion des étudiants qui a prévalu au détriment de la liberté d’expression, (et académique), de la professeure, mais cela a provoqué des tensions entre l’université et le personnel académique.

Ces différences entre les deux démocraties montrent à quel point il peut être difficile de garder un équilibre entre nos droits fondamentaux – et, surtout, combien ils sont fragiles. Aussi, n’est-il pas inquiétant de constater que, de nos jours, non seulement une professeure de petite université d’arts libéraux puisse être congédiée pour avoir montré un chef d’oeuvre de l’art islamique, mais aussi que des politiques (en Floride, au Texas, en Virginie, etc) fassent campagne autour de textes et de thèmes qu’ils aimeraient faire disparaître des écoles publiques -et l’emportent?

 

Les sources:

A Minnesota University Is Under Fire for Dismissing an Art History Professor Who Showed Medieval Paintings of the Prophet Muhammad

Experts De L’onu : Honorez La Mémoire De Samuel Paty, Enseignant Français Assassiné, En Défendant Les Droits Et En Confrontant Le Fondamentalisme

Déclaration Des Droits De L’homme Et Du Citoyen De 1789. Conseil Constitutionnel

The United States Constitution / Annotated: U.S. Capitol History: USCHS. United States Capitol Historical Society

New Florida laws creating ‘confusion’ and ‘chaos’ in schools, says teachers’ union president