“Oubliez la vérité, le bien. Débarrassez-vous de votre amour de la nature et de la tradition. Adorez à leur place la beauté, la fantaisie, le mal”. C’est ainsi que l’on pourrait résumer le cri de ralliement des artistes décadents, un mouvement littéraire qui a connu beaucoup de succès à la fin du dix-neuvième siècle en France.
Aujourd’hui, pour les anglophones, le mot décadent évoque l’image d’un gâteau au chocolat. À l’époque des décadents, il évoquait la chute de l’empire romain, provoquée par l’influence toxique de la morale corrompue. Bien que ces images paraissent n’avoir rien en commun, elles symbolisent toutes deux l’idée d’abandon au plaisir. Avez-vous déjà savouré le plaisir d’un acte interdit, immoral ou tout simplement, inapproprié? Les décadents ont voulu capter dans leur art ce sentiment : le plaisir du mal.
Le poète Charles Baudelaire est considéré comme l’ancêtre des décadents pour ses représentations poétiques de scènes de sensualité et de volupté, un mot spécifiquement utilisé par Baudelaire pour signifier le plaisir du mal. Les décadents pensent que le bon art est l’art qui nous plaît, le mauvais celui qui nous ennuie, peu importe ce qu’il représente. Comme le dit Baudelaire dans la préface des Fleurs du mal, “Mon livre a pu faire du bien. Je ne m’en afflige pas. Il a pu faire du mal. Je ne m’en réjouis pas.” Ce qui compte, c’est la beauté sous toutes ses formes. Le but de l’art est d’évoquer des sentiments uniques et enivrants. Pour accomplir cette tâche, ils expérimentent avec l’art transgressif et parfois choquant, représentant des images d’horreur, de nudité et de violence.
Les critiques utilisent l’adjectif “décadent” pour parler en mal de ces nouvelles idées, mais celles-ci gagnent en notoriété en France vers la fin de siècle grâce au livre À rebours de Joris-Karl Huysmans. Dans ce livre, le personnage principal, Des Esseintes, représente la décadence par excellence. Cet aristocrate riche consacre sa vie à la poursuite du plaisir, en particulier le plaisir qu’il peut tirer de l’art. A la suite du succès de ce roman, la revue “Le Décadent” est créée par Anatole Baju. Il veut par là donner une place à l’écriture décadente ainsi que profiter de la popularité d’À rebours. Cependant, ce mouvement rebelle s’est fragmenté presque aussitôt qu’il s’est formé, si bien que plusieurs figures majeures du mouvement décadent en ont rejeté l’étiquette.
En dépit de l’effondrement du mouvement, les idées décadentes ont continué dans le symbolisme et dans l’esthétisme, deux courants plus tardifs qui célèbrent eux aussi l’idée d’un art sans but moral, mais qui reprochent à la décadence le désespoir et le pessimisme profond qui l’accompagnent. Lorsque les décadents embrassent le plaisir de l’art choquant, ils le font pour échapper à la déception de la vie mortelle. Les symbolistes et les esthètes partagent l’idée de la primauté de l’art, mais cherchent des conclusions différentes. Si ces mouvements vous intéressent, vous trouverez un article au bas de la page détaillant leurs différences.
Qu’est-ce que vous pensez de la responsabilité de l’art? Est-ce que les représentations du mal sont immorales? Ces questions sont sans cesse réactualisées, qu’il s’agisse de littérature, de cinéma ou autre. Sans même le vouloir, nous y répondons en forgeant nos goûts. L’art a une influence puissante sur nos pensées et notre vie. Dans le chef d’œuvre décadent, The Picture of Dorian Gray d’Oscar Wilde, l’âme du personnage principal est corrompue à cause d’un livre jaune sans nom. Selon les universitaires, ce livre était À rebours. Si vous aussi, vous vous intéressez aux plaisirs décadents, vous trouverez des références ci-dessous.
Le Portrait de Dorian Gray par Oscar Wilde
Bibliographie:
https://www.merriam-webster.com/words-at-play/decadent-word-history-luxury-or-decay
https://victorianweb.org/decadence/index.html
https://wildedecadence.wordpress.com/2014/03/03/the-differences-between-symbolism-and-decadence/
https://www.bl.uk/romantics-and-victorians/articles/aestheticism-and-decadence