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Comment naissent les nouveaux mots ?

L’influence de la pandémie sur notre langue vernaculaire

Quand un grand événement social se produit, comme une pandémie ou une révolution technologique, on doit développer du vocabulaire pour en parler. En 2020, nous l’avons vu avec la pandémie de coronavirus. Le mot lui-même est assez nouveau—sauf dans les cercles scientifiques, on ne parlait pas du coronavirus. De cette manière, le lexique du monde entier a changé.

Cette tendance persiste des années plus tard. Radio France estime que sur 170 nouveaux mots ou expressions entrés au dictionnaire en 2022, environ 60 à 70 pour cent ont trait à la pandémie de Covid-19. C’est tellement anormal : Radio France dit que « cela ne s’était pas vu depuis des décennies ». Les lexicographes de Larousse, une maison d’édition renommée en France, permettent d’habitude seulement 150 mots par an. Cependant, ils ont fait une exception pour le grand nombre de terminologies liées à la pandémie.


La couverture de Larousse de poche 2022. (Amazon)

Le vocabulaire lié à la pandémie représente 60 à 70 % des nouveaux mots ajoutés à l’édition 2022 de Larousse, un dictionnaire canonique français.

Mais c’est logique compte tenu de la façon dont nos vies ont changé. Cela nous donne également l’opportunité de voir comment les nouveaux mots sont inventés. Carine Girac-Marinier, directrice du département Dictionnaire et Périscolaire aux éditions Larousse, compare les effets linguistiques de la pandémie à ceux de la guerre. Dans les périodes très dures de l’humanité, c’est évident qu’on crée beaucoup de mots.

Pourquoi ? Girac-Marinier décrit le phénomène comme « une manière de mettre des mots sur les maux ». On utilise des mots pour lutter contre la pandémie et diminuer nos peurs. Nommer est une connaissance, et la connaissance est le pouvoir. C’est ainsi que nous donnons un sens au monde incompréhensible. Alors que les habitudes de vie ont changé partout, notre lexique a également changé pour refléter ce « nouveau monde ». Vous reconnaîtrez peut-être quelques-uns des mots ci-dessous en anglais :

Une liste des mots de la pandémie en français

  • Coronapistes : chemins pour les cyclistes, créés au début de la pandémie pour éviter la foule. C’est un mot-valise entre les mots coronavirus et piste cyclable.
  • Nasopharyngé : décrivant les tests covid PCR, pris avec un prélèvement dans le nez par un professionnel de la santé
  • Quatorzaine : une quarantaine, ou une période d’isolation, de 14 jours (la période connue de tout le monde, recommandée par les organisations de la santé)
  • Déconfinement : le fin de la quarantaine de masse pour contrôler les maladies
  • Télétravailler : faire du travail à la maison sur un ordinateur
  • Distanciation physique : une mesure où les individus s’éloignent les uns des autres
  • Réa : une version abrégée du « service de réanimation » à un hôpital (l’unité de soins intensifs est nommée “ICU” aux États-Unis)
  • Aéroporté : d’un virus, transporté par les particules de l’air

Une coronapiste à Neuilly-sur-Seine. À partir de 2021, l’Ile-de-France compte 170 kilomètres de chemins cyclables créés après le premier déconfinement. (Le Parisien)
Un diagramme d’un prélèvement nasopharyngé. (Cleveland Clinic)

Le conflit entre l’Académie et l’usage courant

L’Académie française est une institution établie en 1635 qui détermine quels mots et quelles expressions sont acceptables dans la langue française. Elle est constituée de quarante membres (aujourd’hui trente-cinq) appelés les « Immortels ». Ils décident des règles de genre, de flexion et d’orthographe des nouveaux mots. Selon le site web de l’Académie, où on peut poser une question de langue ou consulter « Dire, ne pas dire », ils sont chargés de « définir la langue française par l’élaboration de son dictionnaire qui fixe l’usage du français ». 

Mais parfois, l’usage courant est en contradiction avec l’Académie. Prenez, par exemple, le cas du terme Covid-19. Même si l’Académie a décidé que le nom du virus est féminin, en accord avec le genre du terme “maladie”, beaucoup de monde a utilisé le masculin pour référer au Covid. La logique ? Le nom du virus lui-même et les mots étrangers sont normalement désignés comme masculins. Parce que l’Académie était en retard, elle a ainsi changé la règle pour suivre le comportement du public. Aujourd’hui, les deux genres sont acceptables.

Voyez un autre exemple de désaccord entre l’Académie et la langue vernaculaire : il y a un avertissement sur WordReference pour l’expression “distanciation sociale,” qui n’est pas acceptée par l’Académie.


Évidemment, les règles de l’Académie ont une influence considérable. C’est intéressant qu’un dictionnaire en ligne hésite à inclure des expressions populaires pour préserver l’intégrité perçue de la source. Par exemple, “coronapiste” ne fait pas partie de WordReference.

Les trois dernières années ont été marquées par un grand changement de nos vies—et, comme nous l’avons vu, de notre vocabulaire aussi. C’est toujours difficile de suivre un changement aussi rapide, mais avec l’assistance de la technologie, nous avons créé et standardisé le lexique pour parler de nos expériences pendant la pandémie. Un événement linguistique très rare, le (ou la) Covid nous permet d’entrevoir comment naissent les mots et comment la langue évolue avec le temps. 

 

Sources

La nouvelle des nouveaux mots dans l’édition 2022 du Petit Larousse: https://www.radiofrance.fr/franceculture/la-crise-sanitaire-omnipresente-dans-les-nouveaux-mots-du-dictionnaire-9052282

https://ai.glossika.com/blog/what-new-words-have-emerged-in-the-french-language

L’histoire de l’Académie française: https://www.radiofrance.fr/franceculture/l-academie-francaise-est-elle-encore-utile-7236258

Le débat entre “le” ou “la” Covid: https://www.radiofrance.fr/franceculture/doit-on-dire-le-ou-la-covid-19-4400357

L’image d’une coronapiste: https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/velo-en-ile-de-france-apres-un-an-de-coronapistes-dans-quelle-direction-va-t-on-05-07-2021-2AMYCCLMWVETZMP4CJ5EH3EJAY.php

L’image d’un prélèvement nasopharyngé: https://my.clevelandclinic.org/health/diagnostics/22878-nasopharyngeal-swab

Le site-web de l’Académie française: https://www.academie-francaise.fr/