Skip to main content

Une lecture du Dormeur du val

Pouvez-vous imaginer être en guerre en tant que lycéen ? Ce fut l’expérience du poète français Arthur Rimbaud. Il a écrit son poème célèbre, Le Dormeur du Val, quand il avait 16 ans pendant la guerre franco-prussienne :

Le Dormeur du Val

C’est un trou de verdure, où chante une rivière

Accrochant follement aux herbes des haillons

D’argent; où le soleil, de la montagne fière,

Luit: c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme:

Nature, berce-le chaudement: il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

 

 

Dans le poème, la beauté des paysages contraste fortement avec l’horreur de la guerre ; nous voyons un soldat blessé mort dans la paisible vallée. Cette imagerie oblige à faire face à sa propre moralité et à penser à la vie et à la mort; la plupart du temps, les soldats qui se battent dans la guerre sont très jeunes. Normalement, quand on pense à la mort, on pense à ses vieux jours. Mais la guerre est là pour nous dire que n’importe qui peut mourir à n’importe quel âge. L’imagerie et la présence de ce mort sont une représentation de l’absurdité de la guerre. Le jeune soldat mort a eu une famille et une vie comme tout le monde, mais ces choses ne comptent plus dans une guerre. 

Ce poème, Léo Ferré le chante avec solennité. Il utilise un piano atmosphérique qui se marie merveilleusement avec la nature mélancolique des paroles. Mais le ton général des instruments, le son du piano et la manière dont il a raison, est euphorique, comme si les auditeurs vivaient les derniers moments de la vie du soldat dans la paisible vallée. Le piano a l’effet de la réverbe, que donne un son languide au chanson. En fait, le soldat est déjà mort, le lecteur ne découvre qu’à la fin qu’il ne l’a pas accompagné dans son agonie. Parce que la chanson n’est pas dans une tonalité mineure, elle transmet un ton de tristesse. Au lieu de cela, cela ressemble plus à un moment où on accepte la mort, surtout lorsque Ferré chante le vers: Souriant comme / Sourirait un enfant malade, il fait un somme.

Cependant, en réfléchissant plus profondément au poème, on se rend compte que le soldat est seul dans la vallée. Il a perdu la vie au milieu d’une nature très vivante. Il n’y a personne pour lui alors qu’il meurt. Est-il seul parce que c’est déserteur, ou son infanterie l’a-t-elle abandonné ? Être si jeune à la guerre est terrifiant, mais mourir pour rien l’est encore plus. 

 

Lien pour le chanson de Léo Ferré: https://www.youtube.com/watch?v=ZQaFIq1Pnp8